HISTOIRE DE LA STATUE MIRACULEUSE DE L'ENFANT JÉSUS DE PRAGUE
LES ÉVÉNEMENTS
Deux ans à peine après la naissance de sainte Thérèse d'Avila, Martin Luther était arrivé, à Wittemberg, à rompre avec le pape et l'Église. Avec l'élan terrible d'un torrent en crue, la nouvelle doctrine envahit l'Europe ; des millions de fidèles furent arrachés à l'Église. Une guerre atroce commençait par le fer et par le feu.
D'innombrables victimes furent livrées à la tortures, d'autres réduites à la misère. On incendia églises, forteresses, monastères, pays et cités ; on abattit les autels, on détruisit les statues, on déchira les images, les livres et le vêtements liturgiques. Les pyxides furent enlevés des tabernacles, les hosties consacrées répandues sur le sol et piétinées, les vases sacrés profanés et employés à des sacrilèges.
Messes et sacrements furent abolis, la dévotion à la Vierge et aux saints interdite. On ne laissa même dormir en paix les morts dans leurs tombes et l'on outragea leur corps. Tout respect pour les reliques vénérées par l'Église disparut.
La grande guerre avait éclaté en Bohême où cinq confessions se disputaient la prééminence, et l'opposition entre Allemands et Tchèques augmentait encore la tension. Plus des trois quarts de la populations s'étaient séparés de l'Église.
La noblesse de Bohême, elle-même devenue protestante, avait trahit la cause du Saint Empire en passant dans le camp des traîtres. Les princes hérétiques avaient appelé dans leur patrie leurs ennemis qui maintenant, comme les Vandales, s'abattaient sur l'Allemagne et les pays voisins.
A chaque pas, les ruines qui fumaient encore des villages et des villes incendiées, les champs dévastés et les magasins saccagés, attestaient le passage des troupes ennemies et laissaient les malheureux habitants dans un état de misère et de famine. La peste et une épouvantable dépravation morale finissaient par détruire le peu qui était résté.
Prague, la capitale de la Bohême, fut particulièrement touchée par les luttes religieuses. Le prince électeur calviniste, Frédéric du Palatinat, s'était fait couronner roi de Bohême et l'empereur Ferdinand II, déjà gravement attaqué par les princes protestants de l'Allemagne, de la Suède, et de la France, courait le risque de perdre tous ses territoires, qui seraient la proie des hérétiques.
Dans ces moments très difficiles, l'empereur qui avait confiance en Dieu plus qu'en la force de ses armées, pria le pape Paul V, d'envoyer de Rome en Allemagne, le vénérable père Dominique de Jésus-Marie, troisième général des carmes déchaux, afin que par le secours de sa prière, il obtint la victoire pour l'armée catholique.
Paul V ne tarda pas un instant à envoyer le vénérable serviteur de Dieu comme son légat auprès de l'empereur. C'est en véritable envoyé de Dieu que le père Dominique de Jésus-Marie fut accueilli en Allemagne et en Autriche. Dès le 20 juillet 1620, il prédit la victoire des troupes catholiques sur les hérétiques.
Quand les impériaux atteignirent les alentours de Prague, il visita le château de Strakonitz qui avait été dévasté et y trouva dans le souterrain, quelques images, toutes souillées de boue. Comme il s'apprêtait à nettoyer l'une d'entre elles, il vit à sa grande joie qu'elle représentait la Madonne agenouillée devant l'Enfant-Jésus ; à son côté se tenait saint Joseph et dans le fond, quelques bergers. Sa douleur fut grande de constater qu'on avait percé les yeux à tous les personnages ; seul l'Enfant-Jésus avait été épargné.
Le père Dominique apprit par une révélation que cet acte sacrilège avait été commis par un calviniste fanatique. Alors, il pria Dieu de faire honte une bonne fois à ces ennemis de la Très Sainte Mère en lui obtenant la grâce suivante : que la dévotion à la Sainte Vierge se répandit précisément au moyen de cette image. De son côté, il fit le vœu de tout entreprendre pour réparer cet outrage.
Il avait à peine formulé sa promesse qu'il se sentit illuminé de manière prophétique, en obtenant de Dieu la certitude absolue de la victoire. Il comprit dans le fond de son cœur que, par l'intercession de la Mère de Dieu représentée dans ce tableau, de nombreux miracles s'acclompissaient. Le saint moine avait raison, car il s'agissait d'un tableau appelé :
Marie de la Victoire
qui plus tard serait vénéré à Rome dans l'Église de ce nom. Durant la bataille de la Montagne Blanche, l'armée catholique commandée par Maximilien 1er, Duc de Bavière, mis en déroute la noblesse de Bohême qui s'était rebelée contre son seigneur légitime, l'empereur Ferdinand II. On attribua le mérite considérable de ce succès au Père Dominique de Jésus-Marie qui, envoyé en tant que légat pontifical, avait accompagné l'armée catholique.
En effet, malgré leurs hésitations, le moine avait incité les chefs de l'armée catholique à se lancer à l'attaque des troupes protestantes qui s'étaient retranchées à leur avantage, sur les hauteurs de la Montagne Blanche. Un certain temps, l'issue du combat parut incertaine, aussi Dominique de Jésus-Marie demanda un cheval et suspendit sur sa poitrine, à la vue de tous le tableau de la Sainte Vierge : " Marie de la Victoire ".
Alors, le crucifix à la main et au nom de Marie, il se lança à l'assaut avec le duc de Bavière, de telle façon que, contre toute espérance, ils réussirent à mettre en fuite l'ennemi prit de panique qui était plus fort qu'eux, et retranché dans une position bien plus favorable.
Paraphrasant le mot de César, " Véni, vidi, vici ", le Bavarois annonça ainsi la victoire au pape : "Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu !". Grande fut la joie dans tout le monde catholique devant le triomphe de la cause chrétienne.
L'opposition à Ferdinand II s'effondra. La victoire obtenue sur la colline Blanche, aux portes de Prague, le 8 novembre 1620, fut décisive pour l'empereur et garda la foi catholique de Bohême.
Ferdinand II lui-même, attribua l'évènement inespéré à l'intervention personnelle du vénérable Carme et en remerciement, il fonda, d'accord avec le duc Maximilien de Bavière, le premier couvent des Carmes réformés sur le territoire autrichien, à Vienne en 1622. Les fondations de Prague et de Graz ne tardèrent pas.